Comme son père, Laurie a fréquenté une école publique2, Eton dans son cas. "J'ai passé de bons moments là-bas. Je comprends plutôt bien les institutions". Il avoue avoir eu "une période folle à 16 ans quand je pensais que Baader-Meinhof3 et les Brigades Rouges4 luttaient pour obtenir la justice sociale". Le souvenir de cette erreur de jugement l'embarrasse tellement maintenant qu'il "a du mal à en parler". Il reste (bien que moins extrémiste) un homme de gauche. "J'étais dans ma voiture, j'écoutais un reportage sur les travailleurs étrangers à Abu Dhabi qui sont si peu payés et si pauvrement logés, et je cognais sur mon volant en cuire de frustration en pensant à la sottise de ma propre névrose et de ma complaisance".
En dépit d'une situation confortable, ses parents ont fait des sacrifices financiers pour qu'il intègre Eton. "Je suis allé dans une école très huppée avec des gens très snobes, mais je ne suis pas spécialement snobe moi-même". Il a suivi les traces de son père au Selwyn College de Cambridge où, encore comme son père, il ramait pour l'Université, ce qui lui a valu une place de Blue5 à la Boat Race de 1980, un suspens que Cambridge perdit pour 1,80m. Avec une si petite marge, a-t-il jamais envisagé que ça puisse être sa faute si l'équipe a perdu ? "Non, mais c'est une bonne remarque. Heureusement".
En ce moment, le sport de Laurie est la boxe. Il a emmené un de ses fils au match Hatton-Mayweather à Las Vegas et il s'entraîne dans un gymnase de North London. "Je ne sais pas si je cherche à affirmer ma masculinité, mais il se passe vraiment quelque chose là, l'impression que les hommes se testent, et quand le test est fini, il règne une atmosphère bizarrement douce et un sentiment de camaraderie". Je lui raconte que l'auteur Tony Parsons, que j'ai interviewé récemment, boxe dans le même gymnase. Le papa de Parsons a obtenu une DSM6 en 1944. Celui de Laurie gagna une médaille d'or en aviron au Jeux de 1948. "Il était en deux sans barreur avec un gars nommé Jack Wilson. J'ai une photo géniale sur mon bureau de tous les deux recevant leur médaille sur un ponton à Henley. J'imagine qu'on jouait l'hymne national et mon père est très rigide : « Voilà la façon de se comporter », et Jack Wilson est détendu et a l'air de s'éclater comme s'il aller mixer un martini. J'ai parfois souhaité que mon père prenait le même plaisir en lui-même.
Et pourquoi Laurie n'arrive-t-il pas à être content de lui ? Quel est le problème exactement ? "Peut-être qu'il n'y en a pas", il soupire. "Peut-être que j'ai le goût des problèmes et si je ne peux pas en trouver un, j'en invente. J'ai fait un documentaire une fois sur les funérailles victoriennes et, pour illustrer la scène, des chevaux de trait tiraient le corbillard. Je discutais avec le propriétaire des chevaux et il a dit : « Vous savez, ils n'aiment pas ça. Ce n'est pas assez lourd ». C'était l'insoutenable légèreté de l'être du point de vue des chevaux de trait. Ils sont malheureux s'ils n'ont pas de travail à faire. Ils veulent 15 tonnes de bière à tirer pour se sentir bien.
Mais plus tôt, il disait combien il avait apprécié ses trois mois de détente forcée, ce qui pourrait sembler contredire l'analogie avec les chevaux de trait. "Ca pourrait, n'est-ce pas ? Comme c'est fascinant. Comment concilier ça ? Et bien, je suis terriblement fainéant". C'est évidemment absurde, dis-je. Depuis sa place gagnée dans le bateau de Cambridge, et la présidence du Footlights7, jusqu'à l'envoi de sa cassette pour l'audition de House, il y a des preuves d'un acharnement considérable. Il admet être connu pour se donner du mal.
Il dit qu'il doit jouer beaucoup pour interpréter Gregory House, pas seulement à cause de l'accent américain, mais parce qu'ils "partagent certaines caractéristiques". La plus évidente, je pense, qui rend attirant aussi bien Laurie que House, est l'intelligence. L'intelligence dans le sens habituel et l'intelligence émotionnelle, le sang froid, la connaissance de soi. Je pense que toute cette thérapie est payante. Marc Aurèle a dit : "Soit satisfait d'avoir l'air de ce que tu es vraiment" et je pense qu'il l'est (presque).
Quand je lui ai demandé pourquoi il n'avait obtenu que la plus petite mention pour sa licence à Cambridge, il a dit comme à son habitude : "Parce que je suis très, très stupide ", Mais ce qui me frappe le plus après avoir parlé avec lui pendant quelques heures, c'est la force de son esprit. Il semble être un homme qui voit la vie d'une façon claire et a développé la capacité et la malchance d'être capable de distinguer les ddifférets aspects d'une situation. Comme son stoïcien favori a écrit : "Pour les sages, la vie est un problème ; pour les imbéciles, une solution".
Je suis sûr qu'il n'a pas besoin de moi pour lui adresser un autre bout de sagesse de Marc Aurèle : "Ne perd plus de temps à débattre de ce qu'un homme bon devrait être. Sois-en un". Ou plus justement : "Ne laisse pas ton esprit courir sur ce qui te manque autant que sur ce que tu as déjà".
[2] En Grande-Bretagne, ce terme s'applique aux écoles privées.
[3] Membres de l'Organisation Révolutionnaire Allemande (RAF ou Fraction armée rouge ou bande à Baader), une organisation révolutionnaire d'extrême gauche allemande.
[4] Groupe terroriste d'extrême gauche italien
[5] Les « blues » sont les membres des équipes d'aviron de Cambridge et Oxford lors de la Boat Race.
[6] Distinguished Service Medal, récompense militaire anglaise.
[7] Club de théâtre de l'université de Cambridge
Première publication le 28.07.08
Commentaires
1 Nemie-chou Le 27/03/2009